Arrêtez d’être leader, devenez suiveur !

Introduction : la pression de “devenir leader”

Chaque jour, tu tombes sur ces phrases. Sois un leader. Deviens inspirant. Prends ta place.

Elles flattent. Elles séduisent. Elles pressent. Car derrière, un message silencieux : si tu n’es pas un leader, tu n’es personne. Tu manques d’ambition. Tu restes sur le quai pendant que les autres prennent le volant.

Mais si tout le monde conduit, qui regarde la carte ? Qui fait avancer le moteur ? Et pourquoi faudrait-il forcément passer devant ?

Cette obsession du leadership isole. Elle fabrique des faux chefs. Elle pousse à jouer un rôle. Et surtout, elle écrase une vérité simple : on peut aussi contribuer, soutenir, faire grandir… sans avoir besoin d’être en haut.

Alors, faut-il encore apprendre à “devenir leader” ? Ou vaut-il mieux retrouver ce qui donne envie de suivre quelqu’un ?

Une industrie du leadership aux promesses toxiques

Le leadership est devenu un produit. Sur LinkedIn comme ailleurs, chacun est invité à “devenir un leader” à coup de conseils, de listes, de modèles à suivre. Un bon leader serait à la fois humble et affirmé, empathique et décisif, vulnérable mais inébranlable. Pris séparément, ces traits font sens. Ensemble, ils forment un portrait impossible à incarner.

Cette surenchère crée de la confusion. Beaucoup cherchent à cocher toutes les cases, sans jamais se sentir à la hauteur. D’autant que le contexte est souvent ignoré : les qualités nécessaires varient selon les situations. Ce qui fonctionne ici peut échouer ailleurs.

Elias Aboujaoude parle d’un « complexe industrialo-leadership ». Il désigne par là un marché énorme, fait de coachings, de livres et de formations, qui promet à chacun qu’il peut – et doit – devenir un leader. Mais à force de marteler cette idée, on oublie un fait simple : si tout le monde est censé mener, plus personne ne suit.

Ce modèle produit des effets pervers. Il pousse à surjouer. Il fabrique des clones. Il gomme les nuances. Et il épuise. Chercher à se conformer à un idéal fabriqué finit par éloigner de soi, et des autres.

avantages et inconvénients de l'industrie des leaders
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Le suiveur comme figure méprisée (et pourtant essentielle)

Dans un monde qui glorifie les leaders, le rôle de suiveur devient suspect. Le mot lui-même évoque une forme d’effacement. Pourtant, toute organisation fonctionne grâce à des personnes qui soutiennent, mettent en œuvre, relaient. Sans elles, aucune vision ne se concrétise.

Cette pression à “devenir un leader” fabrique des comportements artificiels. Elias Aboujaoude raconte le cas d’un étudiant en médecine brillant, paniqué de ne pas être décrit comme “leader” dans une lettre de recommandation.

Il voulait simplement devenir un excellent praticien. Il le devint, sans jamais aspirer à diriger. Lorsqu’on lui proposa plus tard des fonctions managériales, il les refusa avec soulagement.

Ce récit illustre une dérive silencieuse : on pousse des individus à se conformer à une image. Même ceux qui n’ont ni l’envie ni la disposition à diriger se sentent coupables de ne pas monter dans la hiérarchie.

On fabrique ainsi des “leaders de façade” et des suiveurs frustrés, alors qu’on aurait pu avoir des experts sereins, pleinement engagés dans leur rôle.

Aboujaoude insiste : « C’est bien d’être un leader, mais c’est tout aussi bien de ne pas l’être. Et ne méprisez surtout pas les suiveurs – y compris si vous en êtes un. » Le suiveur n’est pas un leader raté. Il est souvent un opérateur fiable, un spécialiste discret, un acteur décisif de la réussite collective.

Mais l’inflation du leadership a un prix. À force de fabriquer des leaders à tout prix, on dilue leur valeur. Pire : on crée une sélection par la mise en scène. « La seule façon pour eux de sortir du lot est d’être sans scrupules, narcissiques, voire antisociaux », avertit Aboujaoude. On favorise ceux qui savent briller… pas toujours ceux qui savent rassembler.

Un bon suiveur fait avancer le système. Un mauvais leader peut le faire déraille

Dirigeant ou leader ? Une confusion entretenue


Dans les discours professionnels, les mots « dirigeant » et « leader » sont souvent utilisés comme s’ils désignaient la même chose. Pourtant, un poste n’est pas une preuve d’influence. On peut diriger sans entraîner. On peut inspirer sans diriger.

Peter Drucker1 posait une distinction nette : « la seule définition d’un leader, c’est quelqu’un qui a des suiveurs ». Autrement dit, le leadership n’est pas une fonction mais une reconnaissance.

Ce sont les autres qui décident. Pas le titre, ni la fiche de poste.

Mais dans de nombreuses entreprises, cette nuance s’efface. Chaque manager est supposé être aussi un “leader naturel”. Comme si l’autorité hiérarchique suffisait à entraîner l’adhésion. Et comme si la reconnaissance était automatique, dès lors qu’on monte en grade.

Ce glissement brouille les repères. Il pousse à rechercher le charisme avant la compétence, l’inspiration avant la rigueur. On en vient à sous-estimer les fondations du travail managérial : organiser, soutenir, poser un cadre, faire circuler l’information.

Or ce que certains qualifient de “simple gestion” est précisément ce qui fait tenir les équipes au quotidien. Durant les crises, ce sont souvent ces gestes invisibles qui font la différence.

Drucker rappelait aussi que les meilleurs leaders « pensent “nous”, pas “je”. Ils prennent la responsabilité, mais laissent le crédit aux autres ». Cette posture tranche avec celle du manager “inspirant à tout prix” que beaucoup essaient de devenir par injonction.

Car à force de tout attendre d’une seule personne – la vision, la présence, l’efficacité, la clarté, le courage –, on fabrique du surjeu. Et parfois, des dirigeants qui se coupent de la réalité pour sauver leur image.

Simon Sinek, dans Pourquoi les leaders vous font vous sentir en sécurité, insiste aussi sur une autre définition : le leader n’est pas celui qui est “en charge”, mais celui qui prend soin de ceux dont il a la charge. Le rôle s’ancre dans la relation, pas dans la posture.

Un leadership efficace ne remplace pas le management. Il le complète. Et dans un collectif équilibré, chacun peut exercer une forme de leadership, selon les situations. L’enjeu n’est pas d’en faire une finalité personnelle, mais un effet collectif.

Leader marionette Bolg Olivier Parent Coaching systemique
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Les critiques du culte du leader

À force de ne parler que des leaders, on oublie que le leadership n’est jamais une affaire individuelle. Il repose sur un système : un leader, des suiveurs, un contexte. Supprimer une pièce, et tout vacille.

Or depuis quarante ans, la plupart des formations et discours professionnels concentrent toute l’attention sur le développement des leaders. Résultat : on forme des profils hyperformatés, on multiplie les modèles inspirants… sans s’interroger sur ce qui permet à un leadership de vraiment émerger.

Cette hypertrophie finit par produire l’inverse de ce qu’elle promet. Beaucoup de leaders en poste sont déconnectés, surchargés, en manque de discernement.

Les grandes écoles misent sur le storytelling managérial, mais délaissent les disciplines qui développent la pensée critique et l’éthique.

Et pendant ce temps, on pousse des talents vers des rôles qui ne leur correspondent pas, on dévalorise les métiers d’exécution ou de transmission, on crée une norme implicite : réussir, c’est devenir leader.

Ce culte finit aussi par isoler ceux qu’il met en avant. Le mythe du leader-héros – seul, fort, visionnaire – invisibilise le collectif. Il concentre le regard sur un individu, lui attribue les réussites… mais aussi toutes les erreurs.

« Le leadership ne réside pas dans une seule personne. Il émerge d’équipes d’individus aux talents variés conjuguant leurs forces. » George Morris

Des formes de leadership plus réalistes se développent : partagé, distribué, post-héroïque. Elles reconnaissent que l’influence circule, que la force d’un groupe tient moins à une figure qu’à une dynamique.

Simon Sinek insiste sur cette idée : un leader ne prend pas la lumière. Il prend soin. Il n’est pas là pour diriger en surplomb, mais pour soutenir ceux dont il a la charge. Peter Drucker disait : les bons leaders pensent “nous”, pas “je”. Ils assument la responsabilité, mais laissent le crédit aux autres.

Le vrai leader ne s’impose pas. Il crée les conditions pour que les autres aient envie de le suivre. Pas parce qu’il brille. Parce qu’il sert.

Un leadership qui émerge, qui ne se proclame pas

Gandhi n’a jamais cherché à devenir un leader. Il a suivi sa conscience. Agi avec constance. Son influence est venue de son alignement, pas de son ambition.

Le leadership véritable ne cherche pas la reconnaissance2. Il la reçoit parce qu’il agit sans l’attendre. Il repose sur l’action, la cohérence, la responsabilité. Simon Sinek le résume ainsi : « L’authenticité, c’est dire et faire ce en quoi on croit vraiment. » Drucker ajoute : « Les leaders efficaces pensent “nous”, jamais “je”. »

Un vrai leader sait aussi être suiveur. Il reconnaît le moment de s’effacer, de passer le relais. Il n’est pas au centre, il est au service.

Alors comment faire émerger ce type de leadership ? Trois pistes concrètes :

  • Valoriser la contribution de chacun. Le suiveur, l’expert, le relais, le facilitateur : chacun porte une part du succès. Ce ne sont pas des seconds rôles. Ce sont les rouages essentiels du collectif. En les reconnaissant pleinement, on casse l’idée d’une hiérarchie de valeur entre les rôles.

  • Encourager l’authenticité. Un collaborateur suit volontiers quelqu’un de sincère, même imparfait. Parce qu’il sent la cohérence entre les mots et les actes. Parce qu’il voit un humain. « Les grands leaders ne sont pas les plus forts ; ce sont ceux qui assument honnêtement leurs faiblesses. »

  • Partager le leadership. Le leadership n’est pas une propriété. Il se transmet, il circule. Un chef avisé laisse les autres prendre les rênes sur leurs zones de compétence. Il reconnaît les contributions, distribue la confiance, soutient les élans. Comme le résume George Morris : « Peu importe à qui revient le mérite, seul compte le résultat. »

Le vrai leadership ne se montre pas. Il se vit. Il ne s’impose pas. Il se constate. Il n’a pas besoin de projecteurs. Il éclaire parce qu’il fait confiance, fait grandir, fait ensemble.


Les idées clefs à retenir.

Tout le monde veut devenir leader. Et si c’était le problème ?
L’obsession pour le leadership invisibilise les autres rôles essentiels au collectif.
Le leadership est devenu un produit
Une industrie vend des recettes toutes faites qui créent plus de confusion que d’impact.
Trop de leaders, plus de suiveurs ?
Glorifier le leadership revient à dévaloriser la posture du suiveur, pourtant essentielle.
Un bon leader ne cherche pas à l’être
Le leadership émerge des actes et de la cohérence, pas de la volonté d’influence.
Le suiveur : posture active et lucide
Choisir de suivre n’est pas se soumettre. C’est contribuer à un collectif.
Leadership ≠ management
Un manager n’est pas toujours un leader. Confondre les deux affaiblit les deux fonctions.
La reconnaissance, pas la revendication
Un leader est reconnu, pas autoproclamé. Le suivi donne le titre, pas l’intention.
L’injonction au leadership fabrique des imposteurs
Chercher à être leader pousse certains à surjouer et se déconnecter d’eux-mêmes.
Partager le leadership pour renforcer le collectif
Distribuer le leadership selon les compétences renforce l’efficacité et la confiance.
Le meilleur leadership se voit à peine
Le leadership le plus efficace est celui dont les traces se fondent dans le collectif.

Conclusion : partager le leadership

Pas ceux qu’on suit spontanément. Ceux-là, on les reconnaît sans qu’ils aient besoin de se nommer. Mais ceux qu’on veut fabriquer. Standardiser. Mettre en vitrine.

À force de vouloir produire des leaders, on oublie l’essentiel :

  • Un vrai leader, ça ne se forme pas comme un expert.
  • Ça se révèle.
  • Quand les actes parlent.
  • Quand la posture s’efface.
  • Quand les autres choisissent de suivre.

Et si on renversait la logique ?

Au lieu d’apprendre à “être leader”, apprenons à être clair. Cohérent. Présent.

À écouter. À faire équipe. À tracer une direction sans vouloir la posséder.

Parce qu’au fond, le vrai pouvoir…ce n’est pas de briller. C’est de faire grandir les autres.

Et si c’était ça, le prochain leadership ?

Celui qu’on n’enseigne pas. Celui qui ne se voit pas. Celui qui circule.

Comme le disait Lao Tseu :

« Un bon chef est celui dont les gens disent, une fois la tâche accomplie : “Nous l’avons fait nous-mêmes.” »



  1. Peter Drucker, consultant et professeur en management, auteur et théoricien. Son Wikipédia. ↩︎
  2. LIre Leadership transformationnel, 7 étapes pour être efficace ↩︎

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